BANLIEUE, DEUX ANS APRES...
...rien n’est réglé.
Deux ans depuis que deux adolescents de quinze à dix-sept ans traqués par la police trouvaient la mort dans l’arc électrique d’un transformateur.
Trois semaines de révoltes, 10 000 voitu¬res brûlées, près de 3 000 jeunes inter¬pellés. L’embrasement avait mis les ban¬lieues au centre de la vie française. Elles sont retournées à leur place, dirait-on. Pour le moment elles ne dérangent plus ou de loin en loin. Un gosse tué par un chien, un incendie dramatique, quelques voitures en feu et l’on reparle des ban¬lieues aux infos, comme de territoires aux confins des villes.
La réalité est tout autre. Les banlieues, la banlieue, dans toutes les villes de France, c’est la vie de millions de foyers, c’est “ la vraie vie des vrais gens ” et il en est, comme en Seine-Saint-Denis – l’un des départements les plus pauvres du pays, c’est vrai… – qui refusent les visions misérabilistes, qui mettent en avant la création, le travail, le désir d’entrepren¬dre, la culture. Qui ne voient pas la jeu¬nesse comme un problème, mais la voient comme l’avenir.
Sauf que les banlieues, deux ans après et selon les mots des maires rassemblés au sein de l’association Ville et banlieue, sont absentes “ de toutes les priorités affichées par le gouvernement ”. Oh, il y a une secrétaire d’État à la Politique de la ville, et la nomination à ce poste de Fadela Amara, la présidente de Ni putes ni soumises, a été une belle annonce. Belle annonce encore que celle d’un “ plan Marshall ” pour les jeunes. On se pince quand on lit ce qu’il en est. Sur l’emploi, il faut bien sûr activer “ tous les dispositifs ”, activer “ tous les leviers ”, mais l’objectif, c’est “ tolé¬rance zéro pour la glandouille ”. Sur l’éducation, il faut enseigner aux enfants les valeurs de la République et “ je sou¬haite consacrer une journée à l’éduca¬tion au respect, comme nous avons une journée pour la Fête de la musique ”.
Donc le chômage, massif chez les jeunes, les discriminations à l’embauche selon que l’on vient de Neuilly ou de Clichy, que l’on s’appelle Paul-Antoine ou Ahmed, c’est “ la glandouille ”. La for¬mation, l’éducation, c’est apprendre le respect – et une journée par an – quand la réalité, c’est celle d’une société qui, 365 jours par an, ne respecte pas une partie de ses membres en termes de droit au travail, à un logement décent, à un salaire correct, à une école dotée des moyens suffisants, à des services publics proches et de qualité.
Voilà quelques mois, un élu de droite de banlieue se définissait avec colère comme “ une serpillière de la Républi¬que ”. Avec ces “ propositions ”, qui ne sont pas autre chose que du Sarkozy dans le texte, il aura une serpillière à fleurs. Rien d’autre.
Car c’est même l’inverse. Non seule¬ment en deux ans rien de concret n’a été fait mais la dotation de solidarité urbaine qui permet aux communes les plus défa¬vorisées de faire face à une partie de leurs charges sera cette année inférieure de 30 millions d’euros à ce qui avait été annoncé, en en faisant grand cas, par Borloo quand il lançait en 2006 son plan de cohésion sociale. Lequel Borloo a depuis oublié la banlieue, tout à son enthousiasme environnemental. Les ban¬lieues ne sont pas une question relevant de l’environnement.
En revanche, elles sont, semble-t-il, un terrain propice aux provocations. On se souvient des mots incendiaires. Racaille, Karcher. Plus récemment le président de l’UMP accusait les élus communistes de maintenir leurs villes dans la pauvreté pour garder leur électorat. Étonnant, tout de même, de s’en prendre à ceux qui, avec d’autres, sont au plus près des habitants, de leurs difficultés. Mais peut-être ce gouvernement n’a-t-il cure de la situation des banlieues. Au contraire. Le libéralisme, le sarkozysme vont à l’oppposé des solidarités, du service public, du sens de l’intérêt général. Ils désintègrent pour régner.